Dans Mein Kampf, Hitler décrit très peu la période qui s'étale de l'automne 1905 au décès de sa mère en décembre 190722. Au cours de l'été 1905, Klara Hitler vend la maison de Leonding pour s'installer en famille dans un appartement loué dans le centre de Linz au 31 de la Humboldtstrasse. Adolf reçoit de l'argent de poche de sa tante Johanna qu'il utilise pour le cinéma et le théâtre. Il y rencontre en novembre 1905 un étudiant en musique August Kubizek. À en croire son ami, bien que sans emploi, Hitler se comporte en véritable « dandy » : fine moustache, manteau et chapeau noirs et canne au pommeau d'ivoire24. Il boit de l'alcool, fume beaucoup et adhère à l'Association des amis du musée de Linz. En mai 1906, sa mère lui offre un séjour à Vienne où il assiste à deux opéras de Richard Wagner : Tristan et Le Hollandais volant. Il contemple la capitale impériale qui à la fois le fascine et le met mal à l'aise : l'empereur François-Joseph représente à ses yeux le symbole du vieillissement de l'Empire. Il finit par revenir à Linz début juin25. Ses discussions avec Kubizek lui donnent envie de devenir compositeur et convainc sa mère d'entamer des études de musique avant d'abandonner rapidement.
En janvier 1907 le médecin de famille, le docteur Eduard Bloch diagnostique une tumeur mais Klara est opérée à temps. Diminuée physiquement, elle déménage de son appartement pour un logement à l'extérieur de Linz à Urfahr. Adolf possède sa propre chambre tandis que Klara, Paula et Johanna, la tante d'Hitler, se partagent les deux autres pièces26. Durant l'automne, il décide enfin de se présenter à l'examen d'entrée de l'Académie des Beaux-Arts : sa mère cède à contrecœur. Hitler est refusé son travail est jugé « insuffisant ».
« J'étais si persuadé du succès que l'annonce de mon échec me frappa comme un coup de foudre dans un ciel clair. »
En octobre, Bloch déclare solennellement à la famille Hitler que l'état de Klara est irréversible : sa dernière volonté est de reposer aux côtés d'Aloïs à Leonding. Elle meurt le
« Klara Hitler était une femme simple, modeste et pleine de bonté. Grande, elle avait des cheveux bruns soigneusement tressés et un long visage ovale avec de beaux yeux gris bleu expressifs (...). Jamais je n'ai vu quiconque aussi terrassé par le chagrin qu'Adolf Hitler. »
Lorsqu'il était revenu à Linz au chevet de sa mère mourante, il n'avait pas osé lui avouer son échec à l'École des beaux-arts. Âgé de dix-neuf ans, Adolf Hitler est désormais un jeune homme mesurant 1m72 et pesant 68 kilos. Entêté il décide qu'il sera artiste-peintre ou architecte et retente l'examen d'entrée à Vienne. Apparemment Hitler n'est pas à cette époque vraiment un nationaliste fanatique comme il le prétend dans Mein Kampf. En effet pourquoi rejoindre une ville cosmopolite comme Vienne, aux nombreuses nationalités, plutôt que de rejoindre directement l'Allemagne 30? Vienne représente à ses yeux un défi, une porte vers une ascension sociale. Hitler est subjugué par les représentations de Felix Weingartner puis de Gustav Mahler à l'Opéra31. Depuis 1897 Vienne est dirigée par Karl Lueger (1844-1910), le fondateur du Parti chrétien-social. Le maire est violemment antisémite et rassemble une bonne partie de l'électorat catholique. Il favorise néanmoins le rayonnement de la ville : représentations musicales de Richard Strauss, picturales de Paul Gauguin et Gustav Klimt, littéraires avec Arthur Schnitzler32…
Le second échec aux Beaux-Arts
Au cours du printemps 1908, August Kubizek rejoint Hitler à Vienne où il loue un piano à queue pour parfaire ses gammes. Selon le témoignage de Kubizek, à cette époque Hitler se prive régulièrement de nourriture afin de se rendre plusieurs fois au théâtre ou à l'Opéra. Il prétend également qu'Hitler ne s'intéresse guère aux filles exceptée une jeune bourgeoise prénommée Stéfanie33. Appelé par le service militaire le musicien rentre à Linz en juillet. Durant l'été Hitler rompt les liens à la fois avec Kubizek et avec le reste de sa famille résidant à Spital34. En octobre 1908, l'École des beaux-arts recale 96 élèves dont Adolf Hitler qui « n'a pas été autorisé à passer l'épreuve ». Non pas qu'il soit mauvais dessinateur mais parce qu'il ne travaille pas assez, il est incapable de se soumettre à une discipline35. Il déménage en août 1909 rue Felbert, puis rue Sechshauser et enfin rue Simon-Denk. Faute d'argent il est mis à la rue36.
Le marginal
Les registres de police de Vienne indiquent qu'à partir du